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Terrorisme – Tunisie : les leçons de Ben Guerdane

Vendredi matin, aucune revendication officielle n’a encore signé l’assaut des sites sécuritaires de Ben Guerdane. Si les soupçons désignent l’État islamique, l’organisation a pour habitude de publier un communiqué après chacune de ses actions. Quatre jours après ce raid mené en milieu urbain, au cœur d’une grosse ville, l’armée et la police ratissent la région à la recherche d’éléments terroristes qui se sont échappés de Ben Guerdane. Cinquante d’entre eux ont été abattus, une dizaine capturés, ce qui permet à l’État tunisien d’obtenir des informations. Et de procéder à des arrestations. Plus au sud, à Tataouine (immortalisée par La Guerre des étoiles en 1977), des renforts militaires sont arrivés afin de renforcer la frontière avec la Libye. Les funérailles des civils se sont déroulées en présence d’une foule locale soudée. Pour les experts, il ne fait aucun doute que ce coup de force sanglant perpétré sur le sol tunisien ne sera pas le dernier. Ce qu’a précisé le Premier ministre Habib Essid lors d’un point presse : « Il y aura d’autres batailles. »

La Tunisie a produit 6 000 djihadistes

Les objectifs de cette opération kamikaze permettent plusieurs hypothèses. Selon les autorités tunisiennes, Daech souhaitait prendre le pouvoir à Ben Guerdane, afin d’en faire une capitale régionale de son projet Califat. Est-il concevable qu’un groupe de soixante à soixante-dix hommes puisse envisager de mettre K.O. l’appareil sécuritaire dans une ville de 60 000 habitants ? S’agit-il d’une mission suicide destinée à marquer les esprits, à prouver que l’ennemi n’est plus seulement en Libye mais au cœur de la Tunisie ? Lors du raid américain sur un camp d’entraînement de l’État islamique situé à Sabratha en Libye, on a pu constater que la majorité des djihadistes étaient tunisiens. Idem pour Ben Guerdane. Selon les autorités, l’identification des terroristes tués prouve qu’ils sont des Tunisiens. Ce pays est leader dans l’exportation de combattants en Syrie et en Irak. Les chiffres oscillent entre cinq et six mille. Dont plus de sept cents seraient rentrés à la maison selon le ministère de l’Intérieur tunisien. Depuis les attentats du Bardo, d’El Kantaoui et de Tunis, les arrestations se sont multipliées. Demeure la question des cellules dormantes sur le sol tunisien. Combien ? Où ? Quel agenda ? Et les stocks d’armements découverts à Ben Guerdane prouvent la perméabilité de la frontière. L’arsenal de Kadhafi s’est disséminé dans toute la région, sans problèmes douaniers…

Daech, Ansar al-Charia…

Le Sud tunisien souffre de maux identifiés. Ignoré par le pouvoir hypercentralisé de Tunis depuis des décennies, ses gouvernorats connaissent un important taux de chômage, d’analphabétisme et de pauvreté. En mai 2015, suite à la découverte d’un gisement pétrolier par une société néerlandaise, les villes de Douz, Kebili s’étaient enflammées pour réclamer « une part de développement ». Les postes de police furent soit incendiés soit saccagés. Si la population marque son hostilité aux idées djihadistes, un ressentiment existe vis-à-vis de la capitale. Une frange vulnérable de la jeunesse est une proie aisée pour les recruteurs de la haine (http://afrique.lepoint.fr/actualites/tunisie-kairouan-epicentre-de-l-integrisme-13-08-2015-1956613_2365.php). Si la pauvreté n’est pas une excuse, elle est un facteur aggravant. On compte de nombreux cas de jeunes hommes et de jeunes femmes ayant disparu de leurs foyers pour rejoindre les rangs de Daech ou d’Ansar al-Charia en Libye. Ce dernier groupe est l’auteur de la mise à sac de l’ambassade américaine de Tunisie le 14 septembre 2012. Quatre morts, des dizaines de blessés. Dirigée par le Tunisien Abou Lyadh, cette succursale d’Aqmi (Al Qaïda Maghreb islamique) ne peut pas être sous-estimée. À In Amenas (Algérie), Bamako ou Ouagadougou, c’est Aqmi qui a fomenté les attentats. Daech n’est pas l’unique problème de la région.

Du Mali au Sinaï, l’expansion djihadiste

Ce qui se déroule depuis le 7 mars dans le gouvernorat de Medenine concerne toute la région. Algérie, Libye mais aussi la bande sahélienne. Malgré la présence militaire française au Mali, le regain d’actes terroristes est patent depuis le début d’année. Le Burkina Faso a été frappé. 30 morts à Ouagadougou le 15 janvier. Au Tchad, Boko Haram multiplie les attentats. Le Cameroun et le Sénégal sont en alerte. En Égypte, le Sinaï est une poudrière malgré le régime martial d’al Sissi. La capacité d’action semble sans limites au point de pouvoir faire exploser un avion de ligne russe. En attaquant simultanément la caserne militaire, le poste de la garde nationale ainsi que celui de la police, les terroristes tunisiens ont envoyé un signal puissant à tous les djihadistes en activité dans la région. Et ce n’est pas la fermeture des deux postes-frontières avec la Libye (Ras Jedir et Dehiba) qui changera la situation. La Tunisie fait face au pire des scénarios : un ennemi intérieur. Et les autorités libyennes de Tripoli ne se privent pas d’expliquer que les événements de Ben Guerdane sont le fait de Tunisiens. Le 7 mars, des Tunisiens ont tué des Tunisiens.

 

source : Le Point

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