«Si des terroristes parviennent à commettre des attentats, c’est parce qu’ils peuvent se procurer des ressources financières pour ce faire, en France et à l’étranger», a souligné le ministre des Finances, ce lundi. Selon Michel Sapin, les auteurs des attentats de Paris auraient utilisé des cartes bancaires prépayées. Certaines de ces cartes, qui ont débarqué en Europe au début de la décennie, peuvent être rechargées sans vérification d’identité.
«Les sommes en jeu sont souvent modestes», a précisé le ministre, les terroristes cherchant ainsi à «échapper à toute traçabilité». C’est un moyen de paiement pratique et quasi-anonyme, puisqu’il est possible de le créditer à hauteur de 2 500 euros par an sans vérification d’identité. Même chose pour les cartes non rechargeables (jetables) dont le montant maximum peut être de 250 euros. Le ministère des Finances prépare donc un décret durcissant les règles pour ce moyen de paiement essentiellement utilisé par des étrangers lors d’un voyage en France, afin de revoir à la baisse les plafonds et de renforcer les contrôles d’identité lors des recharges.
«Ces cartes prépayées sont délivrées à l’étranger, pas très loin, et utilisées sur le territoire national, au hasard pour payer des chambres d’hôtel», a expliqué Bruno Dalles, le patron de Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, qui dépend de Bercy), en référence aux chambres d’hôtel de banlieue parisienne où les assaillants ont dormi la nuit précédant les attentats. «Elles sont utilisées dans l’économie souterraine, dans la criminalité organisée, c’est un outil qui remplace le cash, très discret, pas tracé. C’est quelque chose qu’il faut absolument corriger», a ajouté le patron de Tracfin.

Durcir les mesures de gel des biens

Autre mesure : les agents de Tracfin pourront consulter directement le fichier des personnes recherchées, afin de «travailler en temps réel» sur l’environnement financier des suspects. Jusqu’ici l’accès à ce fichier, qui comprend notamment les fiches S des personnes soupçonnées de radicalisation, était «extrêmement limité», et devait passer par des «officiers de liaison», a souligné Michel Sapin.
Enfin, la France entend durcir les mesures de gel des biens visant les personnes physiques ou morales qui commettent ou tentent de commettre, des actes de terrorisme. Si jusqu’ici le gel touchait surtout les comptes bancaires, il pourrait prochainement s’appliquer aussi aux biens immobiliers et aux voitures, mais aussi à certaines prestations sociales. Encore faudrait-il que les personnes visées possèdent en France ou dans le reste de l’Europe ce type de biens. Une hypothèse peu crédible selon de nombreux spécialistes.
Au niveau international, le ministre des Finances a indiqué qu’il demanderait aux autres Etats membres de l’Union européenne d’«accélérer considérablement» la mise en œuvre de la dernière directive européenne anti-blanchiment, jusqu’ici prévue pour 2017. A une échelle plus large, Bercy réclame un travail «plus subtil» du GAFI (Groupe d’action financière), organisme international de lutte contre le blanchiment et le terrorisme, dans l’identification des Etats «non coopératifs». Sa «liste noire» en la matière ne comprend que l’Iran et la Corée du Nord.
Michel Sapin a enfin estimé qu’il était temps que les pays européens aient un meilleur accès aux informations du réseau interbancaire Swift. Cette société basée à Bruxelles fournit des services de messagerie standardisée de transfert interbancaire à près de 11 000 institutions dans plus de 205 pays, pour un montant de transactions journalières total se chiffrant en milliers de milliards de dollars.
Vittorio De Filipp
source liberation.fr