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Libye : le Qatar fournisseur d'armes de certaines milices jihadistes


RÉGIS SOUBROUILLARD–Journaliste à Marianne, plus particulièrement chargé des questions internationales
Il y a deux ans, un philosophe très impliqué dans le dossier libyen anticipait déjà la « fin de la nuit libyenne et le dépôt des armes » avec la mort de
Kadhafi. Force est de constater que les lumières de BHL n’éclairent que par intermittence.
Au bord du chaos, la Libye est aux prises des milices, des troupes gouvernementales et des jihadistes -qui parfois s’associent- et plusieurs pays européens dont le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas, la France et l’Italie, ont demandé expressément à leurs ressortissants de quitter cette Libye que certains ont vu trop vite « libérée ».
Libérée de Kadhafi pour tomber aussi vite aux mains des dizaines, même centaines de milices qui font la loi dans le pays depuis la chute du régime du Guide en 2011.  En 2011, après l’intervention de l’OTAN et une aide fournie aux rebelles -aujourd’hui souvent miliciens-  la capitale libyenne était tombée aux mains d’une coalition de brigades originaires de différentes villes et qui s’affrontent pour la conquête des centres de pouvoir (grandes villes, raffineries, aéroports, régions stratégiques etc.)
Depuis le 13 juillet, les puissantes milices de Misrata et de Zintan s’affrontent à l’aide d’armes lourdes pour le contrôle de l’aéroport de la capitale. Les combats ont déjà fait une centaine de morts et près de 500 blessés
Une dérive qui comporte son risque de « somalisation » de la Libye constatée dès 2012 par  l’ancien diplomate Patrick Haimzadeh qui décrivait un système mafieux « Chaque milice a son quartier et une véritable économie de la violence s’est mise en place. Il y a de l’alcool, des armes, des trafics des luttes d’influence. Tout cela dégénère très vite en règlements de comptes. Tous les ingrédients d’une guerre civile larvée ». 
C’est le lancement de l’opération Dignité par le général Haftar qui a exacerbé les tensions. Longtemps exilé à Washington, proche de la CIA, Haftar a lancé un coup de force dirigé contre les milices en mai dernier sur lequel Washington a porté un regard bienveillant mais qui a exacerbé les tensions.  Depuis les législatives du 25 juin, les combats participent d’une lutte d’influence entre courants politiques. Les islamistes qui ont  perdu de leur influence sur le parlement entendent reconquérir le pouvoir par la lutte armée.
Belhadj, l’ex-jihadiste préféré du Qatar et des puissances occidentales
Auteur d’un rapport récent sur « les impasses dangereuses de la transition libyenne », Said Haddad, chercheur à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulmam expliquait cette dérive : « L’impasse politique dans laquelle semble être plongée la Libye n’est pas seulement due à l’affrontement entre deux légitimités, celle du pouvoir exécutif et celle du pouvoir législatif. Elle est nourrie par d’autres acteurs se prévalant d’une légitimité issue des combats de 2011, les milices révolutionnaires. Des milices qui tirent profit également de la faiblesse de l’État et notamment de ses bras armés que sont l’armée régulière et les forces de police. L’État libyen voit également son autorité contestée ou fortement concurrencée par des regroupements puissants de milices tels que le Conseil militaire de Zintan ou l’Union des Révolutionnaires de Misrata ». 
Le premier ministre par intérim, Abdallah Al Thani, a été ainsi interdit vendredi de départ à partir de l’aéroport de Maïtigua à Tripoli. Il devait partir aux USA pour assister au sommet afro-américain. Mais les milices islamistes fidèles à  Abdelhakim Belhadj, qui contrôlent l’aéroport et la base aérienne adjacente, ont interdit à la délégation gouvernementale d’embarquer.
Abdelhakim Belhadj, est un  ancien jihadiste, autrefois membre du Groupe islamique de combat libyen (GICL, un groupe islamiste armé dont les dirigeants étaient formés par la CIA en Afghanistan, avant de rallier plus tard Al Qaïda…) qui se dit démocrate et parcourt l’Europe pour draguer les diplomaties occidentales. Il a ainsi eu le privilège de venir à Paris le 30 avril  2014 vendre sa candidature au parlement libyen, comme le rapportait à l’époque Hélène Bravin, auteur d’une biographie de Kadhafi.
Belhadj a alors été reçu au quai d’Orsay par la sous directrice de la section Afrique du Nord et a donné une conférence à l’IRREMO (l’Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient) lors de laquelle, il a tenté de convaincre son auditoire, qu’il n’avait « aucune milice », considérant même les milices comme « hors la loi ». 
Le site Mondafrique  rappelle, lui,  que Belhadj est soutenu par la France depuis l’offensive de Sarkozy et des forces occidentales contre la Libye. Soutenu par Paris, mais aussi et surtout par le Qatar où il s’était rendu en compagnie de membres de l’état major de l’armée française qui l’avaient «guidé et soutenu dans sa conquête de Tripoli ». 
La Libye, théâtre d’affrontement du Qatar et de l’Arabie Saoudite
A l’époque Belhadj prend la tête de la « brigade du 17 février », une brigade formée et armée au Qatar comme la brigade d’élite des rebelles, qui lui permettra de conquérir Tripoli. S’il n’accède pas toujours lui-même à des postes de pouvoir, Belhadj est souvent présenté comme un « faiseur de rois » autant dire une pièce maîtresse, qui n’a rien perdu de ses réseaux. Officiellement tourné vers le combat politique respectable, à travers son parti Al Watan, il dirige en sous main plusieurs milices.
Récemment, la lettre « IHS jane’s 360 », une publication spécialisée dans le renseignement, affirmait que Belhadj était toujours l’un des principaux bénéficiaires libyens de l’aide qatarie. La lettre citait en exemple la livraison d’un stock d’armes qataries fourni par le Soudan à la brigade Al Nawasi le 6 juin 2014  par un avion atterri sur l’aéroport de Mitiga, tenu par les fidèles de Belhadj. Al Nawasi, se considère comme la seule milice héritière de la révolution qui a conduit à la chute de Kadhafi.
L’expert qui commente l’information estime que le passage du Qatar par l’intermédiaire soudanais s’explique par le fait que l’Egypte interdirait tout survol aérien de son territoire à un avion militaire qatari, compte tenu de la lune de miel que vivent en ce moment l’Arabie Saoudite et l’Egypte.
Preuve de l’ambigüité des choix qataris, pourtant médiateur local de bien des puissances occidentales mais aussi que le conflit des milices libyennes est un théâtre d’affrontement indirect dans la guerre d’influence régionale que se livrent toujours l’Arabie Saoudite et le Qatar. De quoi encore compliquer la tâche d’un état  bien incapable d’unir les libyens autour d’un même projet politique
source  marriane.net   29 -07-2014

Jamel Arfaoui
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