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Le Parisien : “Essebsi va nous rendre notre pays”

Les décibels saturent l’air où l’on agite des drapeaux couverts de croissants étoilés. Au bout d’un bras mobile, une caméra fend la foule déchaînée et diffuse sur deux écrans géants les images de cette grande fête où ils sont des milliers à chanter et à se trémousser en rythme. Ce n’est pas une discothèque. Et l’icône qu’ils acclament n’est pas une rock star, mais celui qu’ils rêvent de placer à la tête de la Tunisie du haut de ses 87 ans : Béji Caïd Essebsi (BCE).

Hier, en fin de matinée, le candidat à la présidentielle du parti Nidaa Tounés a tenu le dernier des cinq meetings de sa campagne électorale au palais des congrès de Sfax, le poumon économique du pays, à 270 km de Tunis. L’ambiance est survoltée : ses sympathisants y croient dur comme fer. Car Nidaa Tounés, le grand parti de rassemblement que cet avocat de formation a fondé il y a à peine plus de deux ans, est sorti vainqueur des législatives du 26 octobre dernier, raflant 36,85 % des suffrages, devant les islamistes d’Ennahda (27,26 %).

Nour Ben Saliyeh, pimpante grand-mère de 52 ans, sait déjà qu’elle accordera sa voix à BCE dimanche, lors du premier tour du scrutin. « Essebsi, c’est un expert », s’enthousiasme- t-elle. Sabeh, sa sœur, 47 ans, ne doute pas non plus : « C’est lui qu’il nous faut. On en a marre de la période de transition. C’est bien la démocratie, mais c’est le bazar. La vie est très dure depuis la révolution », lance-t-elle. Et d’égrener le prix de tous ces aliments qui ont augmenté depuis 2011, lorsqu’un mouvement de contestation populaire a contraint à la démission Zine Ben Ali, après vingt-trois ans de pouvoir.

Mais c’est surtout le CV du candidat qui les rassure, car Essebsi a été ministre d’Habib Bourguiba, le « père de l’indépendance » adulé par les Tunisiens, et notamment par les femmes pour les droits qu’il leur a accordés. « Essebsi, c’est comme Bourguiba, il va nous rendre notre pays », veut croire Nour. Elle se souvient, horrifiée, de ses craintes lorsque les islamistes ont émergé sur la scène politique. « Des gens se sont sentis en droit de me faire des commentaires dans la rue parce que je ne portais pas de voile, s’indigne-t-elle. Pendant quelques mois, on se serait cru au Pakistan ! On ne veut pas de ça chez nous. Je suis musulmane, mais je veux m’habiller en robe, et être maquillée, comme vous, les Françaises. » Elle exhibe fièrement ses mollets et ses petits talons, avant d’aller acclamer son candidat.

A la tribune, BCE déroule son discours bien rôdé pendant vingt minutes. « La femme tunisienne est libre. Elle a le droit de se couvrir la tête ou non », clame-t-il. S’il évoque l’attachement de la société tunisienne à la religion musulmane, Essebsi insiste sur les vertus fondamentales de la démocratie et de la liberté. « Vous avez le choix entre une Tunisie rétrograde ou une Tunisie moderne », lance l’octogénaire. Sa voix s’égare, il tousse. Bajbouj, comme le surnomment affectueusement ses sympathisants, en profite pour répondre avec malice à ceux qui raillent l’âge du capitaine : « Ne vous en faites pas, ma voix est juste un peu cassée. Mais je vais tenir jusqu’au bout ! »

Dès aujourd’hui, les 200 000 électeurs tunisiens de France sont appelés aux urnes pour la présidentielle. Le scrutin s’étalera jusqu’à dimanche.

Jamel Arfaoui
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