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Réponse du Collectif Vérité et Justice à la lettre de Mr Moncef Marzouki

Dans l’atmosphère générale d’absence de débats constructifs sur des programmes aussi bien aux législatives qu’aux présidentielles, nous enregistrons la réponse du candidat Marzouki à notre Lettre ouverte aux deux candidats,qui, en quittant le terrain des accusations contre l’autre candidat, est un premier pas, même si elle nous paraît plus proche d’une justification que d’une contribution constructive pour notre avenir.

Monsieur Marzouki,

Votre réponse dans laquelle la révolution s’estompe derrière les images de la mer reflétées dans les yeux de vos hôtes a des accents poétiques, mais nous y  avons cherché vainement le souffle révolutionnaire : nous ne pouvons pas ne pas voir dans le récit de vos déjeuners du vendredi, la condescendance qui accompagne souvent la charité.

Mais nous ne voulons pas nous attarder sur ces aspects dont la futilité apparente jure avec le ton d’une campagne électorale. Ce récit d’une haute tenue littéraire ne séduit que dans la mesure où le lecteur ne voit pas que le narrateur-témoin est en réalité le constructeur de sa propre gloire : cette entreprise ne peut aveugler que celui qui s’intéresse aux apparences, elle repousse celui qui cherche des réponses vraies.

La lettre aux deux candidats est le produit de la réflexion d’un collectif. En répondant uniquement à un des signataires, Mr Marzouki, vous enlevez la signification profonde d’un véritable débat autour de ses problèmes.

Il y a un évident malentendu exprimé par votre lettre à Gilbert Naccache : au lieu d’une réponse nette et précise aux demandes formulées dans notre texte, il y a une justification  du président provisoire Marzouki pendant son mandat où vous semblez estimer que votre action a coïncidé avec nos demandes.

Nous avons sur ce mandat des appréciations différentes des vôtres, mais nous avions précisé que, nous demandions aux candidats, indépendamment de leurs actions passées et de leurs curriculum vitae, de se prononcer sur des décisions institutionnelles et structurelles très précises.

Nous ne reviendrons pas sur ces actions, mais l’exposé que vous en faites diffère considérablement des décisions que nous exigeons : vous insistez sur le caractère personnel de  votre action, sur votre disponibilité individuelle et sur votre bonne volonté en tant qu’homme.

Nous préférons pour l’avenir que le candidat, Marzouki ou Caied Sebsi, s’engage à faciliter la création d’institutions et de structures qui prendront en charge les problèmes considérés et assureront une continuité dans leur traitement, indépendamment de la personnalité du président.

Ainsi M. Marzouki, vous nous faites savoir que des  “fonds secrets” ont été utilisés tout aussi secrètement par le président pour venir en aide à des blessés et des personnes démunies. Nous attendons à l’avenir que ce travail soit le fait d’une structure formellement constituée, comprenant des responsables politiques, des membres de la société civile, des représentants des catégories intéressées et des spécialistes médicaux, paramédicaux et autres que requiert la solution des problèmes posés.

Cette structure devra disposer d’un budget, que les fonds secrets peuvent également alimenter. Ceci indépendamment des pressions que le président sera amené à exercer sur le gouvernement pour pousser à les prendre en charge de son côté, dans le cadre des différents ministères concernés.

Que, dans certains domaines, le président sortant estime son action conforme aux démarches implicites de ses décisions n’est pas une garantie qu’il ait compris réellement celle-ci

Monsieur Marzouki, il nous a semblé, à la lecture de votre lettre, que la dimension charité que vous exaltez relève plus d’une monarchie que des rapports républicains basés sur le respect du citoyen, quelle que soit la couche sociale dont il est issu. Votre réflexion sur les personnes que vous avez reçues qui n’avaient pas l’habitude des rince-doigts, est mal venue pour un candidat à la présidence de la République

Nous ne pouvons en aucun cas accepter des discours, tels que celui que vous faites sur la gauche, qui tendent à diviser en insistant sur les différences, alors qu’un président doit s’efforcer d’unir.

Notre collectif n’est pas dans une attitude de division droite-gauche, ni dans la stigmatisation, mais dans une démarche de propositions, de construction et de rassemblement des énergies autour de la justice économique et sociale, conformément aux revendications de la révolution que vous n’avez guère citée.

Certes, il y a eu beaucoup de progrès dans votre discours qui est passé de celui de victime à l’autoglorification.

Vous avez saisi le prétexte de notre lettre pour vous justifier à nos yeux, mais le problème n’est pas là, nous voulions que vous preniez des engagements par rapport aux Tunisiennes et aux Tunisiens. L’objectif est que vous ayez un autre discours, vis-à-vis d’eux, qui part de leurs préoccupations et des solutions de leurs problèmes.

Nous avions demandé de soutenir l’instance Vérité et Dignité, votre réponse nous assure que vous avez agi ponctuellement à certains moments, mais que vous n’avez pas une stratégie pour la défense de l’instance ni pour la réalisation de la justice transitionnelle, puisque nous n’avons même pas vu de protestations de votre part contre les verdicts scandaleux des tribunaux militaires et civils qui ont eu à juger des crimes et délits des sbires et des collaborateurs civils de Ben Ali : l’indépendance de la justice au nom de laquelle beaucoup de politiques refusent d’intervenir est en réalité la dépendance de la justice vis-à-vis de l’ancien régime et ses hommes.

Le problème de la décentralisation ne réside pas dans l’ordre de succession des élections, il est dans la définition des compétences et des moyens et de l’étendue des pouvoirs locaux et régionaux. Tant que l’on n’a pas précisé ces aspects, la domination du pouvoir central sur le pouvoir local restera, parce qu’elle est basée sur des textes et des habitudes anciens. Dans ce domaine, le rôle du président est d’activer les structures de réflexion pour la mise au point de ces problèmes fondamentaux de la décentralisation.

Vous nous annoncez le développement d’un réseau associatif, il nous semble plus conforme aux principes mêmes de la décentralisation et de l’économie solidaire et alternative d’éclairer largement les Tunisiennes et les Tunisiens sur ces possibilités et de les encourager à développer eux-mêmes leurs capacités créatives, en profitant des expériences des uns et des autres, et non à se contenter d’informer des cadres politiques sur l’expérience de tel ou tel pays.

Dans ce domaine, nous attendons d’un président, qu’il suscite et appuie toutes les tentatives locales de créer des habitudes de gestion différentes des ressources locales.

Nous pourrions encore développer notre critique de votre réponse. Mais il nous semble déjà urgent de vous inviter à relire attentivement notre lettre ouverte et d’en comprendre le sens profond, non celui d’une demande de justification, mais celui d’une formulation des exigences qui nous paraissent liées aux objectifs de la révolution. La question, rappelons-le, n’est pas de savoir si vous ou l’autre candidat êtes des hommes bons, elle demeure d’être rassurés sur votre compréhension des problèmes du pays et sur votre volonté d’unir les citoyennes et citoyens pour la recherche de solutions.

Source : http://lady-justy.blogspot.com/2014/12/reponse-du-collectif-verite-et-justice.html

Jamel Arfaoui
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